jeudi 29 septembre 2011

Santa Fe



En aveyron, l'abbatiale de Sainte Foy de Conques a un charme austère. C'est dépouillé, sans couleurs, très pierre-nature, très  mode, donc (la basilique de Vezelay, c'est pareil avec les vitraux blancs-gris du sieur Soulages qui renforcent cet effet de zenitude).

Mais en  l'an 1040 et des brouettes c'était un vrai disneyland moyen-âgeux (sauf votre respect) avec des attractions éblouissantes que les pélerins venaient admirer en foule. Ils y venaient adorer et implorer les reliques de Sainte Foy avant de reprendre le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Pour attirer un max de pélerins et recevoir leurs offrandes, les moines de Conques en ont bavé pendant des années avant de pouvoir soustraire furtivement ces reliques précieuses à de lointains  concurrents pour en faire  l'attraction principale de l'abbatiale. Succès total une fois ces reliques en place, la preuve = le culte de Sainte Foy s'est bien exporté, jusque dans le Nouveau Monde, d'où Santa Fe, et au pied de la statue en majesté dans l'abbatiale, il y avait tellement de monde prosterné que Bernard d'Angers, un people de l'époque, nous raconte qu'il n'a même pas pu s'y agenouiller.

Les reliques ont été enfermées dans une statue d'or pur, genre Byzance, étincelante, couverte de pierres précieuses et de camées romains, naturalisée rouergate, rebaptisée "statue de Sainte Foy" . Avec ses reliques dedans, elle n'a jamais bougé de Conques, preuve que Sainte Foy aimait bien ces moines James-Bondesques  qui avaient gagné la guerre des reliques, sinon, par un miracle bien senti, elle les aurait pulvérisés.

Imaginez = vous êtes un pélerin d' une trentaine d'années (l'espérance de vie ne vole pas bien haut à l'époque)  vous avez marché comme un dératé sur le chemin de Saint-Jacques, vous avez soif, faim, vous comptez vos ampoules et vos douleurs, et vous arrivez devant l'abbatiale = autour du parvis, les marchands au coude à coude ont étalé les friandises, pâtés, saucisses, gateaux, fruits, piquette et j'en passe... les apothicaires, les herboristes,  proposent leurs remèdes, herbes et poudres de perlimpinpin pour adoucir vos scrofules, boutons, dents cariées, genoux défaits, pieds meurtris... quelques donzelles vous lancent des oeillades, vous trouverez aussi des bâtons, des estampes et images pieuses, chapeaux, chaussettes et sabots. Chacun vante sa marchandise en criant plus fort que son voisin au milieu de la  foule des pélerins. Bref, c'est le souk. Heureusement que la grande fontaine au pied de l'abbatiale vous offre son eau bien fraîche.

Après avoir repris votre souffle et bu un coup, vous qui n'avez jamais vu une bande dessinée de votre vie, ni un film, ni visité une expo, ni entendu parler de Michel-Ange et de la Chapelle sixtine (qui n'existent pas encore même en rêve), vous avez le choc de votre vie, cloué sur place,  en découvrant le tympan de l'abbatiale tout sculpté, tout peint de couleurs vives (bleu, rouge, or, jaune...), plein de figures, 124 au total, qui racontent le jugement dernier avec le christ, sa maman, les saints, les prophètes, les bienheureux d'un côté, les maudits de l'autre (qui sont bien plus rigolos)  avec les amants adultères, les seigneurs félons, les gourmands invétérés....

Vous entrez dans l'abbatiale, une odeur d'encens vient vous chatouiller les  narines, des chants de mâles organes surprennent vos oreilles, les cierges allumés font trembler les fresques colorées sur les murs - Il y a foule = dans le déambulatoire, dans les tribunes en haut, dans les chapelles, dans le choeur. Les moines chantent, les pélerins déambulent, se prosternent, s'agenouillent, prient, ou dorment et se lamentent. La fumée des cierges et des encensoirs qu'on balance brouille un peu tout ça, mais vous apercevez quand même les chapiteaux tout colorés aussi, qui racontent encore plein d' histoires à déchiffrer. Vous n'en avez jamais tant vu. Et encore, vous reste à voir la principale attraction du lieu, la statue reliquaire de Sainte Foy, toute-en-or, qui vous fixera de ses yeux d'émail, si vous arrivez à l'approcher.

Après avoir bien calmé votre estomac et un peu votre abcès dentaire, vous en avez pris plein les yeux, plein le nez, plein les oreilles et votre cerveau marche plein gaz = pour prier, admirer, partager, déchiffrer, chanter....

Aujourd'hui, les peintures millénaires (ou presque) ont disparu en laissant juste quelques petites traces,  c'est quasi vide, sauf les touristes silencieux qui marchent sur la pointe de leurs baskets. Tranquille et sans couleurs. Mais aussi, c'est si beau, la spiritualité s'est incrustée dans ces pierres, la statue d'or pur a toujours un charme troublant, les figures du tympan et des chapiteaux nous racontent toujours leurs histoires.

mardi 27 septembre 2011

Terra Furiosa




On peut pas dire que tout est calme sur la planète.... mais vu de loin, nos agitations même révolutionnaires restent invisibles.


Bleue comme une orange, la Terre parait bien tranquille - pourtant, elle se propulse à travers l'espace à 29.783  km seconde (oui, seconde) pour suivre son orbite autour du soleil sur-puissant,  et comme une toupie folle elle tourne sur elle-même  à 1674 km/heure pour passer du jour à la nuit : elle franchit tout le temps "le mur du son" (1224 km/heure) , mais pas de big bang et j'sens rien qui bouge......


La splendeur des forêts primaires, la majesté des océans, la beauté des déserts et j'en passe sont peu de chose comparées à son noyau métallique , entouré d'une énorme masse de magma en fusion, le tout couvert d'une toute petite-petite  croûte terrestre cassée en multiples plaques dérivantes, sur lesquelles nous faisons aussi, nous, nos révolutions microscopiques vu de l'espace et qui éclate de temps en temps, ici ou là pour laisser passer un magma sous pression.


Sois sage, ô ma Terre, et tiens-toi bien tranquille.





vendredi 22 avril 2011

Aile de raie

Hier, le plat du jour au troquet du coin c'était  "aile de raie au petit beurre" - seulement 4-5 tables en terrasse baignée de soleil, un lilas de l'autre côté de la rue qui embaumait vaillamment, je m'installai, commandai, goutai = c'est aussi ça le bonheur. Non pas un état permanent, mais un petit moment qui s'annonce en venant  vous frôler comme un chat ronronnant qui vous fait des grâces avant de filer ailleurs. Alors, faut pas se laisser distraire, faut saisir l'instant et s'y abandonner simplement (rassurez-vous, ça dure pas)

Je me dis que ça doit bien faire 10 ans que je n'ai pas dépioté une aile de raie. Et quand l'assiette arrive, aaah ! la chair blanche du poisson que la fourchette racle le long des longues arêtes translucides, qui se trempe un peu dans le beurre juste fondu à la chaleur des petites pommes de terre à l'eau empersillées, avec les câpres pour ranimer tout ça.....  

Un vrai petit moment de bonheur cette aile de raie au soleil.




vendredi 11 mars 2011

Homard éclaté, façon Deyrolles





Hier, balade de quartier - Le magasin Deyrolles, rue du Bac à Paris, a été reconstitué après l'incendie qui l'avait dévasté =  curiosités, gemmologie, entomologie, animaux empaillés, planches éducatives, merveilles de  papillons, coléoptères, on dirait des danseuses, des feuilles vertes........et crabes et homards "éclatés"  - une oeuvre d'art.



mercredi 2 mars 2011

RIOM : encore une bonne Minute d'arrêt



Allez, encore un petit coup du Président Alzuyeta, de la Cour d'appel de Riom, instigateur de cette prose judiciaire et néanmoins réjouissante qui donnait raison à un malheureux que sa compagnie d'assurance lâchait :

"La Caisse nationale de prévoyance qui garantit le risque invalidité-décès des citoyens a refusé la prise en charge des prêts contractés par Clovis, agriculteur, à Saint-Georges-d’Aurac (254 âmes) en Haute Loire, aux motifs d’une part que son médecin contrôleur a déclaré que l’assuré, atteint d’une lombo-sciatique gauche, n’était point en mesure de reprendre sa profession, mais pouvait en exercer une autre, et d’autre part que le contrat d’assurance prévoit une garantie en cas « d’impossibilité de reprendre une activité professionnelle » :

Attendu que par un jugement excellent, tant par sa rédaction dans un français élégant que par ses arguments juridiques extrêmement pertinents, le Tribunal du Puy-en-Velay a fait litière des arguties de ladite Caisse qui, ayant cru bon de relever appel, s’obstine dans sa vue néolithique des choses …

Attendu que Clovis pourrait en pure théorie être clarinettiste, professeur de chinois, répétiteur de bridge, ravaudeur de caleçons, et qui sait quoi encore, de même qu’il pourrait s’élever au niveau des mathématiques les plus éthérées, tel ce paralytique célèbre qui manie les machines les plus complexes par les seuls mouvements de ses yeux ;

que dans cette perspective, ainsi que l’a remarquablement fait observer le Conseil de Clovis,  la totalité des contrats conclus par ladite Caisse seraient inopérants (hormis les rarissimes cas de malades plongés dans un coma profond) ; qu’il s’agirait alors d’une souscription généralisée de contrats que l’on saurait d’avance mort-nés – puisque hormis les comas profonds, tous les assurés pourraient un jour reprendre « une » activité,

qu’en tout cas, pour l’instant, la Caisse nationale entendant la clause litigieuse dans un sens  avec lequel cette clause ne pourrait produire aucun effet, ladite clause doit s’entendre dans le sens donné par Clovis, le seul avec lequel elle peut avoir quelque effet ;

Dans ces conditions, l’excellent jugement sera confirmé"


Faut dire quand même qu'il s'est fait tacler par la Cour de cassation, mais l'arrêt de Riom reste culte.



mardi 1 mars 2011

Roucoule, ma poule

A Clermont ferrand, sur la demande d’un voisin incommodé, le Tribunal avait ordonné la destruction d’un poulailler bruyant. Dépité, le maître de la volaille fait appel. Pour sauver le poulailler, le Président Alzuyeta de la Cour d’appel de Riom prend la mouche et la plume (c'est le cas de le dire...) pour nous pondre les motifs suivants =

Attendu que la poule est un animal anodin et stupide, au point que nul n’est encore parvenu à le dresser, pas même un cirque chinois; que son voisinage comporte beaucoup de silence, quelques tendres gloussements et des caquètements qui vont du joyeux (ponte d’un œuf) au serein (dégustation d’un ver de terre) en passant par l’affolé (vue d’un renard); que ce paisible voisinage n’a jamais incommodé que ceux qui, pour d’autres motifs, nourrissent du courroux à l’égard des propriétaires de ces gallinacés; que la cour ne jugera pas que le bateau importune le marin, la farine le boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La Rochette, village de Salledes (402 âmes) dans le département du Puy-de-Dôme."

(Cour d’appel de Riom, 1ère chambre civile, 7 septembre 1995.) 

Aloys Zolt, dompteur de rêves.


Au milieu du XIXème, un ouvrier teinturier qui s'y connaissait en couleurs et qui aimait les livres, et qui en avait lus, et qui en avait vus... prit un pinceau et sa main rêvassa longtemps sur le papier - il a fait un somptueux bestiaire, rien que pour lui - par chance, on a trouvé et on a gardé ces aquarelles du modeste Aloys ZOLT - elles m'enchantent - en voici une parmi........une trentaine toutes plus curieuses et fabuleuses les unes que les autres = singes, serpents, dodo, caïman, rhinocéros, barbiroussa... qu'il a  mis là pour l'éternité dans une jungle de rêve

Si ça vous plait, je peux vous en coller d'autres dans mon blog. Vous n'avez qu' à dire.